Joseph-Benoît Suvée, né le 3 janvier 1743 à Bruges, et mort le 9 février 1807 à Rome, est pensionnaire après avoir obtenu le premier prix de l’Académie de peinture en 1771, puis académicien en 1780, et professeur à l’École des Beaux-arts de Paris en 1792. Il est nommé, le 20 novembre 1792, directeur de l’Académie de France à Rome, en remplacement de François-Guillaume Ménageot, mais il est suspendu dès le 25 novembre à la suite d’une intervention du peintre David à la Convention nationale qui vise à supprimer le poste de directeur de l’Académie de France à Rome. Les pensionnaires quittent alors Rome pour Naples, pour Florence ou pour la France. Pendant la Terreur, Suvée fut arrêté en 1794, puis détenu à la prison de Saint-Lazare. Joseph-Benoît Suvée est confirmé directeur en 1795. Entre 1795 et 1801, il lutte à Paris pour rétablir l’institution ; il constitue la collection des moulages et forme le noyau de la bibliothèque. C’est lui qui a la responsabilité du transfert du siège de l’Académie du palais Mancini, à la Villa Médicis située sur le Pincio. Joseph-Benoît Suvée écrit d’abondance. Il est un directeur attaché à l’ordre et se référant aux pratiques de l’Ancien Régime. Ses lettres sont pleines d’emphase, et portent le plus souvent des plaintes. Mais avant tout, Suvée se révèle tenace, soucieux de rétablir l’Académie de France. Il se montre dévoué envers les pensionnaires dont il défend les intérêts vivement. Il meurt brutalement le 9 février 1807, dans son bureau. Pierre-Adrien Pâris est alors nommé directeur par intérim, soutenu par Charles-Marie Alquier (20170113/12). Fils du géomètre Pierre-François Pâris, Pierre-Adrien Pâris naît à Besançon le 25 octobre
En 1760, Pâris rejoint son oncle Jean-Baptiste Lefaivre, maître-maçon et entrepreneur, à Paris, puis il entre dans l’atelier de l’architecte Louis-François Trouard. Il devient élève de l’Académie royale d’Architecture en 1764 où il suit l’enseignement de Jacques-François Blondel. Dès 1765 et jusqu’en 1769, Pâris se présente au Grand Prix d’architecture sans jamais l’emporter. Trouard demande au marquis de Marigny une place à l’Académie de France à Rome pour son élève ; Pâris arrive à Rome le 27 octobre 1771 et devient officiellement pensionnaire de l’Académie l’année suivante. Il en profite pour réaliser de nombreuses études de monuments antiques. Il a également l’occasion d’enseigner l’architecture à Francesco Piranesi, fils du grand Piranèse et de voyager dans le sud de l’Italie où il visite Paestum, Pompéi et Herculanum. À son retour d’Italie, il obtient de nombreux projets de la noblesse et devient membre de l’Académie d’Architecture. Fait chevalier de l’ordre de Saint-Michel, il reçoit ses lettres de noblesse en 1789 et travaille au projet et l’aménagement de la salle de l’Assemblée des Étatsgénéraux dans l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles. En octobre 1789, Pâris devient architecte de l’Assemblée nationale. Son poste de dessinateur de la Chambre et du Cabinet du Roi supprimé fin décembre 1792, il se réfugie à Vaucluse (Doubs) pendant la Terreur. Pendant la dernière période de sa vie, Pâris effectue un troisième séjour à Rome en 1806. Parmi ses activités, il assure en 1807 le directorat par intérim de l’Académie de France à Rome, devient membre de l’Académie de San Luca et retourne visiter les villes antiques du sud de l’Italie. Entre 1808 et 1809, il organise l’enlèvement et le transport des antiquités de la Villa Borghèse vers le Louvre pour le compte de Napoléon. Il est enfin chargé de diriger les fouilles du Colisée à partir de 1811. De retour en France en 1817, il meurt à Besançon en 1819. Durant le directorat de Suvée, le climat politique et social est complexe et tendu en Italie, et tout particulièrement à Rome. D’importants personnages politiques apparaissent fréquemment dans les documents de ce fonds d’archives, soulignant par là le rôle une fois encore majeur de l’Académie dans les relations entre la France, les États pontificaux et les princes italiens. Les représentants de l’État français à Rome, comme Léon Dufourny, nommé en 1801 Commissaire du gouvernement pour la récupération et la conservation des objets d'art en Italie, les ministres plénipotentiaires François Cacault, le cardinal Fesch ou Charles-Marie Alquier, entretiennent des relations fréquentes avec le directeur de l’Académie. De même, le général Henri-Jacques-Guillaume Clarke envoyé par le premier Consul comme ministre plénipotentiaire auprès du prince de Parme, nouvellement nommé roi d’Étrurie, va-t-il participer à l’échange délicat entre le palais Mancini et la Villa Médicis. Le contrôle administratif et artistique sur l’Académie présente un même degré de complexité. Le ministère de l’Intérieur, après 1792, dans la nouvelle organisation du gouvernement recueille la plupart des attributions de l’ancienne maison du roi et à ce titre assure la tutelle sur l’AFR. Un bureau des Beaux-arts est créé par la suite, rattaché à l’Instruction publique ; mais au cours du XIXe siècle, ce bureau ne cessa de dépendre de services différents rendant complexe l’étude des archives. La tutelle artistique est assurée par la classe des Beaux-arts de l’Institut. À Rome, l’ambassadeur est son principal interlocuteur. De 1795 à 1807, six ministres occupent successivement le poste de l’Intérieur : Bénézech, François de Neufchâteau, Letourneux, Lucien Bonaparte, Chaptal et Champagny. Parmi les fonctionnaires en charge du suivi de l’Académie, nous retrouvons le chef de la 5e division du ministère de l’Intérieur Pierre-Louis Ginguené, ami de Suvée. À l’Institut, le correspondant de Suvée est le secrétaire perpétuel de la classe des Beaux-arts, Joachim Le Breton, également ami de Suvée. Si l’on s’en tient aux textes législatifs, l’Académie de France à Rome n’a pas cessé d’exister. À la suppression du poste de directeur, les pensionnaires sont placés sous l’autorité du représentant de la France à Rome, cependant l’émeute du 13 janvier 1793 entraîne la fermeture de l’Académie et la dispersion des pensionnaires. L’existence de l’Académie ne semble pourtant pas être remise en question, malgré les doutes de François Cacault sur son utilité. Le déménagement de l’Académie à la Villa Médicis est dicté par plusieurs raisons. Tout d’abord, le palais Mancini, est ruiné et abandonné sans entretien depuis des années. Les frais de restauration sont coûteux (cf 20170113/11, 20170113/12), il souffre d’un manque de place pour les ateliers et son emplacement est bruyant et agité. Les pensionnaires ont besoin de bon air et de tranquillité (cf. 20170113/12) ; toutefois les dossiers concernant le décès de pensionnaires, comme Harriet, Gaudar ou Androt (20170113/3, 20170113/4) durant leur séjour à Rome sont assez nombreux. La Villa est propriété de la Toscane depuis que Ferdinand de Médicis avait acheté le terrain et fait agrandir la Villa. Elle est le rendez-vous des artistes qui viennent y dessiner les jardins. L’entretien du bâtiment est un poids et à la fin du XVIIIe siècle, la famille de Lorraine, héritière des Médicis décide de se débarrasser de la Villa Médicis. L’acquisition sous la forme d’un échange est décidée en 1798. Il est certain que la Toscane y perdait au change, et à la chute de l’Empire, elle essaya, mais en vain, de revenir sur cet échange. La France démontra que cette prétention n’avait pas de fondement en droit (cf. 20170113/1, fol. 100 à 104). Les crédits alloués à l’Académie, du fait de son installation à la Villa Médicis sont nettement supérieurs à ceux accordés par l’Ancien Régime. L’administration verse l’argent à un banquier parisien, Récamier, puis Perregaux, et celui-ci crédite son correspondant à Rome, Lavaggi pour Récamier, et Torlonia pour Perregaux, lequel verse l’argent au directeur de l’Académie, moyennant des quittances mensuelles. Qui étaient transmises à Paris. Le directeur rend compte de ses dépenses une fois par trimestre, puis à partir de 1806, une fois par an. L’arrivée des fonds est souvent irrégulière. Pour conclure, les documents rassemblés dans le fonds du directorat Suvée illustrent un moment déterminant dans l’histoire de l’Académie de France à Rome : l’installation de l’Académie à la Villa Médicis après le difficile échange de cette dernière avec le palais Mancini, l’aménagement de la Villa, la réorganisation de l’institution, le retour des pensionnaires à Rome, le suivi des travaux des pensionnaires avant et après leur retour à Rome. Joseph-Benoît Suvée prend une part très active à ce chantier, allant jusqu’à réfléchir à la réalisation d’un uniforme pour les pensionnaires (cf 20170113/3) dont la collection des arts graphiques réunie aujourd’hui à la bibliothèque de la Villa Médicis conserve un joli dessin. Les plans sont nombreux, destinés à justifier les acquisitions, occupations et cessions de terrains ; les textes réglementaires et inventaires du mobilier et des collections témoignent d’une administration scrupuleuse qui observe les formes. Des quittances et mémoires de travaux apportent la preuve d’une volonté de restaurer le palais Mancini, situé sur la via del Corso, qui abrita entre 1725 et 1793 l’Académie, puis fut incendié lors des émeutes anti-françaises en 1793, et enfin occupé et pillé en 1799. Ce n’est qu’en 1796 que le Directoire entreprend de restaurer le palais Mancini. Pour un grand nombre de pièces d’archives administratives, il existe à la fois la minute, l’expédition et une ou plusieurs copies. Sur le revers de nombreuses lettres, Joseph-Benoît Suvée rédige le brouillon de la réponse, ou recopie plusieurs courriers, afin de réduire les dépenses de papier (cf les courriers de 2017113/2 et 20170113/3 tout particulièrement). Il est notable qu’aucun papier personnel de Suvée, hormis son diplôme et son acte de nomination n’apparaît dans les dossiers. Quelques pièces comptables produites sous l’intérim de Pierre-Adrien Pâris se trouvent dans les cartons 7, 8 et 9 (20170113/7, 20170113/8, 20170113/9). Cependant le carton 12 (20170113/12) renferme uniquement les documents produits durant l’intérim de Pierre-Adrien Pâris. Son intérim dure moins d’un an, avant que Guillaume Guillon Lethières ne soit nommé directeur de l’Académie de France à Rome. L’essentiel des pièces d’archives produites durant son intérim concerne les travaux menés à la villa Médicis, et le fonctionnement courant de l’Académie. Toutefois de nombreuses lettres échangées avec Charles-Jean-Marie Alquier, ambassadeur de France à Rome, montre l’amitié qui unit ces deux hommes et la protection qu’accorde l’ambassadeur au directeur. Les titres des documents ont été scrupuleusement retranscrits à l’identique. Les pièces constitutives du fonds Suvée ont été souvent citées dans des publications scientifiques sous leur ancienne cote. C’est la raison pour laquelle cette dernière est indiquée dans la description des articles et que l’ordre des documents a été repris tel que trouvé dans les liasses afin de respecter le foliotage. Dans chaque carton, les feuillets des documents ont été foliotés ou paginés depuis de longues années. Cependant, les règles de foliotage montrent des pratiques sensiblement différentes d’un carton à l’autre, voire dans un même carton. Les liasses présentent très fréquemment l’utilisation de pochettes et sous-pochettes formées par des pièces d’archives contemporaines des autres documents. Ces derniers sont souvent « emboîtés » les uns dans les autres, avec un foliotage continu, d’une page à l’autre, sans que soit pris en compte la matérialité de chaque pièce. Ces « assemblages » ont été conservés afin de respecter le classement initial des documents qui semble avoir été celui de Joseph-Benoît Suvée, comme l’attestent de nombreuses pochettes constituées à partir de feuillets du Bulletin de la Grande Armée réutilisées, portant des intitulés de la main de Joseph-Benoît Suvée et parfois un numéro d’ordre (cf 20170113/5, 20170113/8, 20170113/9). Des ficelles utilisées pour associer des documents ont parfois été retirées pour des raisons de conservation et pour en faciliter la consultation (cf 20170113/11).